L’infertilité et les autres

J’écris peu depuis mon dernier drame.

Tout va tellement lentement pour moi. Je reviens peu à peu à la vie, mais rien n’est linéaire et rien n’est acquis. La légèreté d’un jour peut être suivie d’une nuit peuplée de cauchemars. Le plaisir d’un instant peut s’envoler aussi vite qu’une plume et me faire retomber dans un profond chagrin.

Je reste vulnérable, mon couple est fragile, je sais que je peux tout perdre en une seconde.

J’ai totalement perdu mon insouciance. Je vis dans l’angoisse de la prochaine horreur qui pourrait m’arriver. Je pense cancer, accident pour mon homme, mort accidentelle de mon fils. Toutes ces FC m’ont fait percevoir l’extrême fragilité de la vie. L’accumulation des violences dans notre vie me fait craindre un avenir tout aussi douloureux, voir pire.

Je vis donc avec la peur, même si j’essaye de ne pas y penser.

Et je tente d’oublier. Que je n’arrive pas à avoir d’enfant. Que j’en ai perdu 3. Que j’ai subi mille et une tortures sans résultat.

Mais il y a les autres. Les gens qu’on croise dans la rue, en premier lieu.

Hier, nous sommes allés nous balader et j’avais oublié que cet endroit le dimanche est prisé des familles.  J’ai été embarquée dans un tourbillon de poussettes, d’enfants en bas âge et  de femmes enceintes. Nous poussons la porte d’une crêperie et nous nous retrouvons à côté d’un nourrisson qui braille. J’ai été 2 fois au théâtre en une semaine et, chaque fois, il y avait une comédienne enceinte…

Cela vient chaque fois me rappeler que pour les autres c’est possible. C’est même souvent simple. Mais que pour nous, c’est violent et qu’on reste les bras vides.

Alors, je détourne le regard, je me concentre sur autre chose, je vais ailleurs.

se détourner

Mais je voudrais tellement pouvoir oublier et ne pas être rattrapée sans cesse par cette question.

Et puis, surtout il y a les amis qui réussissent, eux, à avoir des enfants.3 couples l’année passée. Et pour moi, c’est insupportable. J’ai honte de ne plus pouvoir me réjouir. L’infertilité, les deuils, la souffrance m’ont rendue allergique au bonheur des autres. Alors je les fuis.

Je suis incapable d’être sincèrement heureuse pour eux.Chaque annonce de grossesse est un coup de poignard qui réveille mes blessures pas encore cicatrisées. La dernière date de ce matin… Je l’ai provoquée, car j’avais compris. Un ami que je n’avais pas revu depuis juillet. On s’est retrouvés la semaine dernière, on avait passé une chouette soirée. Mais, cette annonce change tout. Je sais déjà que je vais fuir, que je ne vais plus penser qu’à ça en le voyant, que je vais craindre qu’il aborde le sujet et  que, moi, je ne vais plus pouvoir parler de ma douleur.

L’infertilité m’isole, me rend amère. Je déteste me voir ainsi, mais je ne peux pas faire autrement. Je ne supporte pas ce bonheur-là chez les autres et je ne peux rien partager avec eux. Leur bonheur m’arrache les tripes, me serre le coeur. Pourquoi eux et pourquoi pas nous?

C’est si dur d’accepter que de notre couple il ne naîtra rien. Que nous sommes une terre stérile ensemble.

Je tente de me convaincre que je serai trop fatiguée, que les couches c’est galère, que je n’aurai plus autant de liberté…Mais, au fond, mon désir d’enfant est toujours là, plus fort que jamais et je ne parviens pas à accepter.

Comment fait-on pour ravaler son désir d’enfant quand tout sans cesse vous le rappelle ?

oublie

 

 

 

 

38 réflexions sur “L’infertilité et les autres

  1. Je suis désolée que tu traverses tout ça. J’espère que le temps t’aidera à reprendre en main ta vie. Malheureusement, nous vivons dans la société et la société poursuit sa vie et fait des enfants sous notre nez. On ne peut y échapper. Il faut juste qu’avec le temps cela ne nous atteigne plus.
    Courage.
    des bisous

    • C’est le revers d’avoir fait un parcours en accéléré.Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour prendre du recul et réellement accepter, alors je me prends le bonheur des autres en plein figure comme une claque. Mais c’est vrai, avec du temps, je serai certainement moins sensible à tout ça.
      Je te trouve très forte, tu as l’air de réussir à ne pas te laisser abattre par ton dernier négatif, bravo .
      De gros bisous.

  2. Même sur une île déserte, il y aurait encore des bb animaux pour nous rappeler notre drame intime 😦 Je comprends ce besoin de fuir, cet isolement… De tout coeur avec toi en tout cas, prends soin de toi ❤
    Pour ta peur, j'espère que tu arriveras à la combattre, elle est mauvaise conseillère

    • Avec le temps, j’espère , ma confiance en la vie reviendra et je cesserai de craindre le pire. Et pour les amis que je fuis, je crois que les « vrais » comprendront et pour les autres, tant pis.Je croise pour ta pds demain.

  3. Je comprends ce besoin de s’isoler, d’éviter les autres, je fais pareil. J’espère que tu arriveras à dépasser ces sentiments et que tu pourras te sentir mieux en présence des autres femmes enceintes/enfants. Je t’envoye des tonnes d’ondes positives. Bisous

    • Je t’envoie du courage pour pousser la porte de la maternité quand ta soeur aura accouché. Moi aujourd’hui, je ne me sens même pas capable de retourner chez le gynéco car je ne veux pas me retrouver à attendre avec 3 dindes.Merci pour les ondes positives. Bisous

      • Elle a accouché dimanche, et je n’ai pas été la voir… on est en tjs en froid et j’attendais des excuses ou au moins des explications (sur le fait qu’elle a fait une fiv sans jamais m’en avoir parlé alors qu’elle m’avait posé plein de questions sur mes traitements, et que j’ai l’impression d’avoir été idiote de m’être ouverte à elle…). Du coup, j’irai la voir plus tard, quand la rancune sera passée…

  4. Hello comme les autres j’espère que cet état d’esprit sera temporaire même sur ce repli sur soi devrait te permettre de te préserver et de te reconstruire à court terme des bises

    • En fait, je suis sortie de ma grotte, je revois du monde, je sors, mais les femmes enceintes et les bébés, c’est trop douloureux. Un jour viendra où j’y arriverai, où ça ne me touchera plus.Mais quand? ça fait déjà 2 ans que ça dure…Surement quand on a définitivement enterré notre projet d’enfant. Bisous

  5. Je suis contente de voir que la vie reprend peu à peu sa place. J’espère que petit à petit les bas laisseront de plus en plus de place aux hauts. Plein de courage à toi. Bisous

  6. Ca m’a fait quelque chose de lire que de ton couple il ne naitra rien. C’est vrai, bien sûr, mais il y a tant d’autres choses qui peuvent porter un couple : les projets, une complicité, le soutien, le partage et l’amour évidemment. Votre couple ne s’arrête pas à ce désir d’enfant, je suis sûre que vous avez et aurez encore plein de belles choses à construire. J’espère de tout cœur que vous réussirez à vous relever de cette nouvelle épreuve, ensemble.
    Mais voilà, il y a un deuil à faire, plusieurs même et c’est très difficile. Je rejoins entièrement Pivoine, la société ne nous aide vraiment pas pour vivre autrement qu’à travers ou avec un enfant. Tout nous rappelle notre manque, son absence, nos projets qui se sont écroulés et nous nous sentons tellement seul(e)s dans cette galère.
    Ravaler son désir est un chemin qui est très long et bien tortueux, c’est certain. Ce n’est pas un projet qui s’abandonne du jour au lendemain. Petit à petit tu accepteras parce que tu sauras que tu as fait ton possible, parce que tu ne peux pas faire autrement, parce que tu ne veux pas sombrer.
    Tiens le coup Mamzelle car tu as encore de belles choses à accomplir, à bâtir avec ton homme, avec ton petit garçon.
    Des bisous de soutien.

    • Je sais que nous pourrons créer d’autres choses lui et moi. Mais me dire que nous ne donnerons pas la vie m’est intolérable. Cela fait tant d’années que j’espère cet enfant. J’aurai tant voulu qu’il ait la chance de porter son tout petit dans ses bras, lui qui a accepté d’élever l’enfant d’un autre, sans avoir aucun droit.
      Mais nous ferons d’autres projets, si nous arrivons à pleinement nous retrouver. C’est notre seul objectif en ce moment: que la pma ne réussisse pas à nous séparer.
      De gros bisous

  7. Ta douleur est bien trop grande encore. Le bonheur des autres nous renvoient en pleine figure ce que l’on n’a pas ou plus et je ne vais pas te dire le contraire parce que certains jours je ressens la même chose…. le bonheur d’être en bonne santé, le bonheur d’être en couple, le bonheur d’avoir construit une famille… Alors je vais te répéter ce que l’on me dit : Le temps petit à petit va aussi faire son oeuvre et éloigner/apaiser certaines douleurs… Concentres toi au maximum sur ce que tu as… Ne culpabilises pas de penser certaines choses ou d’être encore en colère c’est normal…. Prends soin de toi… Et continues ma belle, continues d’aller au théâtre, continues les ballades le dimanche, et surtout les crêpes avec beaucoup de chocolat !
    Plein de courage. Je t’embrasse bien fort ❤

    • C’est très juste tout ce que tu as écrit September et je te rejoins complètement sur le fait qu’il faut s’accorder du temps pour apaiser nos souffrances. C’est long souvent, mais on y arrive. Des bisous

    • Oui j’essaye de toutes mes forces de savourer des choses simples. La santé en premier. Et toi, tu sais bien de quoi tu parles. J’ai eu 10 jours sans douleur, j’ai vraiment trouvé que c’était le paradis.Et puis une autre douleur est arrivée, qui me bloque de l’épaule à la nuque. Ce n’es pas grand chose, ça finira par passer. Mais je sais que mon corps est épuisé par ces 2 grossesses avortées et ces 3 FC. Et la clé est là aussi: retrouver vraiment ma forme physique.
      Reste forcément la douleur morale…Pour celle-là, il faudra du temps, beaucoup de temps.
      Je suis infiniment heureuse de savoir que la maladie est désormais loin de toi, alors toi aussi, prends bien soin de toi.De gros bisous September.

  8. Je suis désolée de toute cette douleur. C’est dur de voir que le monde continue à tourner quand tout semble s’écrouler autour de nous, et surtout que ce qui nous échappe et qu’on tente à tout prix d’atteindre semble si facile pour les autres.
    Les réactions dont tu parles sont on ne peut plus normales, et tu as tous les droits de réagir comme ça. Ce que je peux te dire, c’est que ce que tu ressens aujourd’hui n’est que temporaire; avec le temps ça ira mieux – d’une manière ou d’une autre ça ira de mieux en mieux, et un jour tu te relèveras complètement et ta vie, quelle qu’elle soit aura retrouvé une jolie saveur. Je te souhaite que ce jour arrive vite, et en attendant je te fais un gros câlin de réconfort.
    Bisous ❤

    • Merci de me dire que mes réactions sont normales alors qu’on me culpabilise de ne « pas faire l’effort ». Mon homme en tête de liste. C’est moi qui en bave, ce sont eux qui nagent dans le bonheur, mais c’est à moi de faire l’effort, cherchez l’erreur…
      J’ai hâte que tout s’apaise effectivement et que je puisse à nouveau vivre sans toute cette douleur.
      De gros bisous

  9. La maternité se manifestera toujours autour de toi et tant que tu ne l’atteindras pas, cela restera douloureux. Mais par moments un peu moins que d’autres. Pour l’instant c’est beaucoup trop tôt. Tu as raison d’éviter les situations à risques. Les rappels quotidien sont bien assez éprouvants. Bon courage petite Fleur. Gros bisous.

    • Je ne l’atteindrai probablement jamais cette deuxième maternité, l’enjeu aujourd’hui est d’accepter. Mais tant que notre parcours ne sera pas fini d’une façon ou d’une autre (soit nous ferons le dernier transfert, soit nous déciderons de tout arrêter), j’y penserai et ne pourrai faire le deuil de cet autre enfant. Merci de me rappeler que c’est encore trop tôt. Cela fait 5 semaines que ma troisième grossesse a fini en FC, ce n’est pas si vieux…De gros bisous

  10. Tes mots m’attristent tellement…. Je sais à quel point c’est dur de voir les autres avancer quand nous, nous faisons du sur-place. Laisse jaillir ta tristesse et ta colère, elle est légitime. Fais fi des autres et évite au maximum ce qui te rappelle ton drame. Un jour, tu arriveras à être en leur présence, mais si c’est trop dur pour le moment, éloigne toi. Je t’embrasse bien fort et pense bien à toi…souvent…

    • C’est exactement ce que je fais, je choisis de voir ceux et celles qui me font du bien et me permettent d’avancer à nouveau. Un jour j’arriverai à ne plus avoir mal en face d’une femme enceinte, mais je sais que je garderai toujours cette blessure au fond de moi.
      je suis extrêmement touchée que tu penses à moi souvent.
      Que la chance soit avec toi en mars pour ton tec. As tu pris tes billets d’avion? Bises

      • Merci pour ton petit mot… Nous n avons pas encore pris les billets car j attendais d être sûre d être bien assurée en cas d annulation. Normalement on les prend cette semaine ! Avancer, faire des projets quoi qu’il arrive….

  11. Pourquoi faire le deuil de cet enfant ? Est-ce que tu as pensé au don d’ovocytes par exemple ? Je ne dis pas que c’est facile bien sûr. Je suis dans cette démarche aujourd’hui et sincèrement tu devrais y réfléchir. C’est un beau projet de vie qui pourrait redonner un souffle à votre couple. En avez-vous parlé avec ton homme ? Courage, ne baisse pas les bras. Je t’embrasse

    • C’est gentil de m’en parler, mais mon homme y est totalement opposé depuis le début et,même moi, je crois que je n’aurai plus la force tant ce parcours violent me laisse exsangue. Et puis, je vais avoir 44 ans dans une dizaine de jours…Bises

  12. Je suis sincèrement peinée de te savoir dans une telle souffrance.. Je sais que seul le temps ou un nouvel espoir pourra l’apaiser mais sache que je suis là et comprends chacun de tes mots. Je t’embrasse.

  13. Que c’est dur Mamzelle fleur, je ne l’ai pas vécu mais je crois que je peux l’imaginer aisément. Et il me semble que le plus difficile est de ne pas savoir où l’on va. Quand vous aurez décidé de faire ce transfert ou, au contraire, de ne pas le faire, ça ira mieux car vous pourrez enfin vous projeter concrètement : soit sur une grossesse si cela fonctionne, soit sur le deuil de celle-ci (deuil qui ne se fera évidemment pas en un claquement de doigts, mais qui prendra du temps). La décision est très difficile et elle vous appartient. Avez-vous décidé d’une date butoir ? Prends soin de toi en attendant. Je t’embrasse.

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